Démission des officiers de l'air : les militaires peuvent former un recours contre le refus de démission
-Les officiers de l’air qui ne bénéficient pas du droit à la liquidation de leur retraite à jouissance immédiate (RJI) doivent toutefois voir leurs demandes de démission acceptées si le nombre de démission au cours de l’année concernée n’excède pas 5% du nombre de nomination au premier grade de leur corps d'appartenance, arrondi à l’unité supérieure.
En cas de refus d'agrément opposé à leur demande de démission, les officiers de l'air peuvent former un recours auprès de la commission des recours des militaires (CRM) et, en cas d’urgence, une requête en référé-suspension auprès du tribunal administratif en vue de la suspension de cette décision de refus.
Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, conseille et représente les militaires et particulièrement les officiers de l’air dans leurs recours contre les refus d’agrément opposés à leurs demandes de démission :
1.- Quota de 5% et démission des officiers de l’air
Aux termes de l’article L. 4139-12 du code de la défense :
« L’état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l’intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d’un contrat, lorsque l’intéressé est rayé des contrôles ».
L’article L. 4139-13 du code de la défense précise que la démission d’un militaire de carrière ou la demande de résiliation de contrat d’un militaire engagé doit être acceptée de plein droit si le militaire concerné bénéficie de ses droits à la retraite à jouissance immédiate (hors cas de lien au service) à l’issue d’un préavis dont la durée est fixée par décret :
« La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire. (…)
Lorsque le militaire a droit à la liquidation de sa pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la démission ou la résiliation du contrat est effective à l'issue d'un préavis dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, lorsque les circonstances l'exigent, le Gouvernement peut prévoir, par décret, le maintien d'office en position d'activité pour une durée limitée. (…) ».
L’article R. 4139-46 du même code précise que la durée du préavis d’un militaire désireux de démissionner et bénéficiant de ses droits à la liquidation de sa pension de retraite à jouissance immédiate (RJI) est de deux mois :
« Lorsque le militaire a le droit à la liquidation de sa pension de retraite dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 4139-13, la démission de l'état de militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat est effective sous réserve d'en avoir avisé l'autorité militaire deux mois avant la date souhaitée de cessation de l'état militaire. La durée de ce préavis peut être réduite d'un commun accord ».
S’agissant des officiers, les droits à retraite à jouissance immédiate (RJI) interviennent après 27 ans de services effectifs (article L. 24 II 1° du code des pensions civiles et militaires) :
« (…) II. – La liquidation de la pension militaire intervient : / 1° Lorsqu'un officier est radié des cadres par limite d'âge ou par limite de durée de services, ou par suite d'infirmités, ou encore s'il réunit, à la date de son admission à la retraite, vingt-sept ans de services effectifs ; (…) »
S’agissant des officiers de l’armée de l’air et de l’espace, l’article 37 du décret n°2008-943 du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps des officiers de l'air, des officiers mécaniciens de l'air et des officiers des bases de l'air dispose ce qui suit :
« Sans préjudice des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 4139-13 du code de la défense, les officiers ne pouvant pas bénéficier d'une pension de retraite dans les conditions fixées par les dispositions du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent déposer une demande de démission. Dans ce cas, le ministre de la défense est tenu d'y faire droit dès lors que le nombre total des demandes de démission ne représente pas un nombre au moins égal à 5 %, arrondi à l'unité supérieure, du nombre des nominations effectuées chaque année au premier grade du corps ».
Ainsi, un officier de l’air qui ne bénéficierait pas de ses droits à la retraite à jouissance immédiate (RJI) doit néanmoins voir sa demande de démission obligatoirement acceptée dès lors que le nombre total des demandes de démission à la date de sa demande représente moins de 5% du nombre de nomination effectuée au premier grade de son corps au cours de l’année en cours (arrondi à l'entier supérieur).
Dans une affaire remportée par le cabinet Obsalis Avocat, le tribunal administratif de Poitiers a, par jugement du 19 septembre 2024 (req. n°2201406), précisé que lorsqu’un militaire soutient que sa démission aurait due être acceptée de plein droit, il appartient au ministre des Armées de justifier que le nombre de démissions au cours de l’année en cours excédait effectivement les 5% du nombre de nominations au premier grade du corps de l'officier de l'air concerné (TA Poitiers, 19 septembre 2024, req. n°2201406) :
« 5. Il résulte de l’instruction que M. T, qui est entré en service le 30 août 2004, ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites dès lors qu’il ne justifiait pas de vingt-sept années de services effectifs en 2021, année au cours de laquelle il a demandé à démissionner. Il s’ensuit que sa demande de démission était de droit si elle ne représentait pas un nombre au moins égal à 5 %, arrondi à l’unité supérieure, du nombre des nominations effectuées en 2021 au premier grade du corps. A cet égard, le ministre des Armées fait valoir, sans être contredit, que cinquante-deux nominations au grade de sous-lieutenant dans le corps des officiers de l’air ont eu lieu en 2021, en application des arrêtés du 7 décembre 2021 portant nomination au grade de sous-lieutenant dans l'armée de l'air et de l'espace et du 24 mars 2022 modifiant le précédent arrêté, portant ainsi à trois le nombre de démissions pouvant être agréées pour l’année 2021. S’il soutient également que le seuil de trois agréments de démission était atteint lorsque M. T a formulé sa demande de démission, le ministre des armées se borne à produire une décision du 19 septembre 2018 plaçant M. D, commandant du corps des officiers de l’air, en disponibilité du 1er octobre 2018 au 29 août 2021, une décision du 16 novembre 2018 plaçant M. G, commandant du corps des officiers de l’air, en disponibilité du 3 décembre 2018 au 31 août 2021 et une troisième décision du 17 février 2021 agréant la demande d’attribution du pécule modulable d’incitation au départ du lieutenant-colonel N, qui ne sont, ni les unes ni les autres, de nature à établir que le seuil de trois démissions agréées était atteint pour l’année 2021, alors que les deux premières ont été prises en 2018, et qu’aucune d’entre elle, en tout état de cause, ne portent agrément d’une démission. Dans ces conditions, et alors qu’il n’est pas démontré que le quota de 5 % précité était atteint au titre de l’année 2021, la ministre des armées était tenue d’agréer la demande de démission de M. T ».
Par un arrêt du 23 février 2024, la cour administrative d’appel de Marseille avait déjà précisé à ce sujet que les démissions d’officiers de l’air bénéficiant de leur droit à la retraite à jouissance immédiate (RJI) n’ont pas à être prises en compte dans le quota de 5% précité (CAA Marseille, 23 février 2024, req. n° 22MA02437) :
« 7. Le ministre des armées fait valoir que 48 nominations ont été prononcées au grade de sous-lieutenant dans le corps des officiers de l'air au titre de l'année 2019, ce qui porte à 3 le nombre d'officiers autorisés à démissionner, et que ce seuil avait déjà été atteint à la date du dépôt de la demande de démission de M. B..., soit le 4 février 2019. Toutefois, si le ministre se prévaut de l'existence de la radiation de trois officiers de l'air pour l'année 2019, deux des trois arrêtés de radiation des cadres qu'il produit en appel ont été pris respectivement les 28 septembre 2018 et 10 décembre 2018, soit antérieurement à l'année 2019, et ne constituent dès lors pas des demandes de démission au titre de l'année 2019, au sens des dispositions précitées de l'article 37 du décret du 12 septembre 2008. Par ailleurs, et en tout état de cause, ces trois officiers qui ont été rayés des cadres au cours de l'année 2019 ont été admis à faire valoir leurs droits à pension de retraite et ces décisions ne pouvaient pas être prises en compte dans le quota de 5 % prévu par ces dispositions. Au surplus, il ressort des extraits du journal officiel de la République française produits par le requérant que, par deux décrets du 4 mars 2019 et du 9 avril 2019, un total de 55 nominations a été prononcé au 1er grade du corps en 2019, année durant laquelle M. B... a présenté sa demande de démission. Par suite, la ministre des armées était tenue de faire droit à la demande de démission de M. B..., dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le quota de 5 % susmentionné était dépassé au titre de l'année 2019. »
Ainsi, les officiers de l’air qui ne bénéficient pas de leurs droits à la retraite à jouissance immédiate (RJI) peuvent toujours demander à démissionner et à être radiés des cadres. Il leur est conseillé de formuler leurs demandes de démission en début d’année de façon à ce que le quota des 5% du nombre de nomination au premier grade du corps ne soit pas atteint.
En cas de refus de radiation des cadres, ils pourront toujours former un recours contre ce refus en invoquant que le quota des 5% n’était pas atteint.
Il appartiendra alors au ministère des Armées de justifier du nombre de démissions et du nombre de nomination au premier grade du corps au cours de l’année considérée, sans prendre en compte les démissions d’officiers bénéficiant de leurs droits à retraite à jouissance immédiate (RJI).
Il est vivement conseiller aux militaires concernés de saisir un cabinet d’avocat en droit militaire qui saura les conseiller sur les moyens à soulever et les représenter dans le cadre de leurs recours.
2.- Recours contre les refus de démission des officiers de l’air
2.1 – Le recours préalable obligatoire auprès de la Commission des recours des militaires (CRM)
Comme pour tout recours juridictionnel, ou presque, l’officier de l’air qui souhaite contester le refus opposé à sa demande de démission, doit faire précéder sa requête, d’un recours préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM) (article R. 4125-1 I du code de la défense) :
« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ».
Cependant, ce recours préalable peut prendre jusqu’à 4 mois et les officiers de l’air ayant trouvé un emploi dans le civil se voient parfois « bloqués » dans leur nouvelle prise de fonctions.
Dans ce cas, le militaire concerné peut envisager d’introduire, en parallèle de son recours CRM, une requête en référé-suspension contre la décision de refus d’agrément opposé à sa demande de démission.
2.2.- Référé suspension contre les refus de démission
Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative:
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Par son arrêt de principe du 7 octobre 2015, le Conseil d’Etat a jugé que lorsque le recours préalable a valablement été introduit auprès de la commission des recours des militaires (CRM), le militaire concerné peut saisir le juge des référés sans attendre la réponse du ministre sur son recours :
« 3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).
Dans cette situation, le militaire concerné n’a pas l’obligation d’introduire une requête devant le juge du fond :
« 4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé la demande de M. B...irrecevable au motif que le requérant n'avait pas formé de recours en annulation contre cette décision ; que ce faisant, le juge a commis une erreur de droit dès lors que le recours contre cette décision devait faire l'objet d'un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, en application de l'article L. 4125-1 du code de la défense, et que la recevabilité de la demande de suspension était subordonnée non à l'existence d'un recours au fond, mais, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, à l'exercice de ce recours administratif préalable ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...avait saisi cette commission avant la saisine du juge des référés d'une demande de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).
Les officiers de l’air qui se voient opposer un refus d'agrément à leur demande de démission doivent donc savoir qu’en cas d’urgence, ils peuvent contester cette décision devant le juge des référés du tribunal administratif dès lors qu’ils justifient avoir introduit le recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires (CRM).
Une telle hypothèse peut notamment se présenter lorsqu'un militaire a obtenu une promesse d'embauche dans le civil et/ou a prévu de déménager à brève échéance.
Il lui appartiendra de justifier de l'urgence à suspendre la décision de refus de démission auprès du juge des référés et de consituer un dossier solide sur ce point.
Il est vivement conseillé aux officiers de l'air dont la démission a été refusée de saisir un cabinet d'avocat de militaires qui analysera la solidité du dossier ainsi constitué et les chances de succès d'un éventuel recours auprès de laCRM et d'une éventuelle requête en référé suspension devant le juge administratif.
Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste, conseille et représente les militaires et, tout particulièrement, les officiers de l'air, dans leurs recours contre les décisions portant refus d'agrément de leur demande de démission, tant auprès de la commission des recours des militaires (CRM) qu’auprès des tribunaux administratifs.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, refus d’agrément, etc.
Pour en savoir plus sur la démission et la résiliation de contrat des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :
- Résiliation de contrat, lien au service et remboursement de la formation militaire
- Contrat d’engagement des militaires : comment résilier son contrat durant la période probatoire ?
- Prime de lien au service et formation spécialisée des militaires : Vous ne pourrez plus quitter l'armée aussi facilement
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