Dénonciation de contrat des militaires : vous devez avoir accès à votre dossier individuel et aux motifs de la décision

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Les décisions portant dénonciation du contrat d’engagement des militaires et gendarmes, même prises pendant la période probatoire, constituent des décisions défavorables prises en considération de la personne.

Par conséquent, ces décisions ne peuvent être prise qu’après que les militaires aient été informés de la possibilité de consulter les pièces de leur dossier.

De plus, ces décisions doivent être motivées et comporter les motifs de droits et de faits qui en constituent le fondement.


1.- Motivation des décisions de résiliation du contrat d’engagement des militaires

Aux termes de l’article L.211-2 du code des relations entre le public et l’administration :

« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ».

L’article L. 211-4 du même code précise ce qui suit :

« Des décrets en Conseil d'Etat précisent, en tant que de besoin, les catégories de décisions qui doivent être motivées en application de la présente section. ».

L’article 8 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés dispose que :

« Le contrat d'engagement initial ainsi que le premier des contrats intervenant après une interruption de service ne deviennent définitifs qu'à l'issue d'une période probatoire de six mois. / La période probatoire de six mois peut être renouvelée une fois par le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, pour raison de santé ou insuffisance de formation. / Lorsque la formation suivie par le militaire engagé le nécessite ou si la sécurité de la défense l'exige, la période probatoire peut être prolongée sans pouvoir excéder toutefois une durée totale de dix-huit mois. / Au cours de la période probatoire, quelle qu'en soit la durée, le contrat peut être dénoncé unilatéralement par chacune des parties. Lorsque le contrat est dénoncé par le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, il l'est par décision motivée. ».

Et l’article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration de disposer que :

« La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. »

S’agissant du contenu de la motivation des décisions portant dénonciation du contrat d’engagement des militaires, le tribunal administratif de Poitiers statuant en référé a rappelé que ces décisions doivent comporter les éléments propres à la situation personnelle des militaires concernés pour leur permettre de connaître les motifs de faits sur lesquels elles reposent :

« En outre, cette décision, qui doit être motivée conformément aux dispositions précitées, se borne à indiquer que le comportement de l’intéressé est incompatible avec la vie militaire. Dès lors qu’elle ne fait pas état d’élément propre à la situation du requérant, une telle motivation ne permet pas à son destinataire de connaître les motifs de fait sur lesquels repose la décision attaquée ni les termes de l’analyse de la ministre des armées l’ayant conduit à dénoncer le contrat d’engagement de M. T . Par suite, les moyens selon lesquels la décision attaquée (…) est insuffisamment motivée sont de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ». (Ordonnance TA Poitiers 11.02.22, req. n° 2200169).

Cette circonstance vaut, quand bien même la décision de résiliation du contrat d’engagement du militaire concerné aurait été prise pendant la période probatoire.

De plus, les décisions de dénonciation du contrat d’engagement des militaires constituent des décisions prises en considération de leur personne et doivent, de ce fait, être précédées de la communication du dossier individuel du militaire en cause.


2.- Communication du dossier individuel et décisions de dénonciation de contrat

Aux termes de l’article 65 de la loi 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 :

« Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ».

Le Conseil d’Etat a précisé que cet article impose à l’administration de communiquer son dossier administratif individuel intégral a tout fonctionnaire qui fait l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne :

« 2. En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier ». (CE, 5 février 2020, req. n°433130).

Ainsi, comme l’a rappelé le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, une décision portant dénonciation du contrat d’engagement d’un militaire doit être précédé de la communication de son dossier administratif :

« 9. Il ressort des pièces du dossier que M. T s’est engagé en tant qu’élève sous-officier de l’armée de terre le 27 septembre 2021. Par une décision du 8 décembre 2021, la ministre des armées a dénoncé son contrat d’engagement au motif que son comportement est incompatible avec la vie militaire. Alors que la décision litigieuse, qui a été prise en considération de la personne de M. T, est intervenue durant la période probatoire de six mois fixée par les dispositions précitées et non au terme de celle-ci, empêchant l’intéressé de poursuivre sa formation jusqu’à son terme, il n’est pas contesté que le requérant n’a pas été mis à même consulter son dossier préalablement à son édiction. Ce vice de procédure ayant privé le requérant d’une garantie, nonobstant la circonstance que les faits reprochés ont été portés à sa connaissance et qu’il a été reçu en entretien, la décision du 8 décembre 2021 est intervenue au terme d’une procédure irrégulière. (…) Par suite, les moyens selon lesquels la décision attaquée, (…) est entachée d’un vice de procédure (…) sont de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ». (Ordonnance TA Poitiers 11.02.22, req. n° 2200169).

En effet, le défaut de communication, au militaire concerné, de son dossier administratif individuel, préalablement à l’édiction d’une décision portant dénonciation de son contrat d’engagement, constitue un vice de procédure substantiel, de nature à le priver d’une garantie.

Ainsi, les décisions portant dénonciation du contrat d’engagement des militaires doivent, non seulement, être motivées et comporter des motifs de faits propres à permettre aux militaires de connaître les faits retenus contre eux ; mais elles doivent également être précédées de la communication, aux militaires concernés, de leur dossier administratif individuel, quand bien même ces décisions seraient prises durant la période probatoire de leur contrat d’engagement.

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, conseille les militaires dans le cadre des procédures de résiliation de leur contrat d’engagement et les assiste, le cas échéant, pour contester les décisions de dénonciation de leur contrat.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocat en droit militaire, au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 

 

Pour en savoir plus sur la résiliation des contrat d'engagement des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 



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