Gendarmes en congé maladie et perte du logement de fonctions : quels recours contre les refus de sursis à évacuation ?
-Lorsqu’un gendarme est placé en congé longue maladie (CLM) ou en congé longue durée pour maladie (CLDM), il ne bénéficie plus de son logement concédé par nécessité absolue de service (LCNAS).
Pour autant, il peut formuler une demande de sursis à évacuation.
Lorsque cette demande fait l’objet d’un refus, ou n’est que partiellement accordée (notamment lorsque la durée du sursis accordée est plus courte que celle demandée), il peut former un recours contre cette décision.
Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires de la gendarmerie nationale dans leurs recours contre les décisions de refus de sursis à évacuation de leur logement de fonctions :
1.- Gendarmes et logement concédé pour nécessité absolue de service : quels droits ?
. En premier lieu, s’agissant du « droit » des gendarmes à disposer d’un logement de fonctions, aux termes de l'article R. 2124-64 du code général de la propriété des personnes publiques :
"Dans les immeubles dépendant de son domaine public, l'État peut accorder à ses agents civils ou militaires une concession de logement par nécessité absolue de service ou une convention d'occupation précaire avec astreinte, dans les conditions prévues au présent paragraphe ".
En application des dispositions de l’article D. 2124-75 du même code :
« Les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux annexés aux casernements bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ».
Aux termes de son article R. 2124-73 du même code :
"Les concessions de logement et les conventions d'occupation précaire avec astreinte sont, dans tous les cas, accordées à titre précaire et révocable. Leur durée est limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient et dans les conditions fixées par l'arrêté mentionné à l'article R. 2124-72. Elles prennent fin, en toute hypothèse, en cas de changement d'utilisation ou d'aliénation de l'immeuble.
Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes formes et conditions.
Lorsque les titres d'occupation viennent à expiration, pour quelque motif que ce soit, l'agent est tenu de libérer les lieux sans délai sous peine de se voir appliquer les sanctions prévues à l'article R. 2124-74 ".
Et l’article R. 2124-74 du code de la propriété des personnes publiques de prévoir les sanctions financières en cas de maintien sans titre dans les lieux :
« L'occupant qui ne peut justifier d'un titre est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
En outre, pour toute la période pendant laquelle il occupe les locaux sans titre, notamment dans le cas où son titre est venu à expiration, il est astreint au paiement d'une redevance fixée par le directeur départemental des finances publiques, égale à la valeur locative réelle des locaux occupés. Cette redevance est majorée de 50 % pour les six premiers mois, de 100 % au-delà ».
. En deuxième lieu, s’agissant du placement des gendarmes en congé maladie, aux termes de l'article L. 4138-11 du code de la défense :
" La non-activité est la position temporaire du militaire qui se trouve dans l'une des situations suivantes :
1° En congé de longue durée pour maladie ;
2° en congé longue maladie (..) ".
. En troisième lieu, s’agissant de l’évacuation des gendarmes de leur logement de fonctions, aux termes de l’article 7 de l'instruction n°35000 du 13 décembre 2018 relative à la concession d'un logement par nécessité absolue de service des militaires de la gendarmerie :
"À compter du jour où les militaires de la gendarmerie sont mutés ou perdent le droit à la CLNAS, pour quelque raison que ce soit, ils doivent évacuer sans délai le logement qui leur était concédé (article R. 2124-73 du CG3P).
Pour autant, l'évacuation du logement ne sera pas exigée avant l'expiration d'un délai matériel d'un mois à compter de la notification de la décision de mutation, d'une décision ou d'un fait emportant la perte de la CLNAS. (…)
Un sursis d'évacuation peut être octroyé par le commandant d'une formation administrative si deux conditions cumulatives sont remplies : le bénéficiaire est soudainement placé dans une situation imprévisible et difficile et aucune solution convenable au problème posé par son relogement n'a été trouvée. (…)
Le sursis octroyé est précaire et révocable. Si le maintien dans les lieux de l'intéressé (ou de sa famille) n'est plus justifié ou devient inopportun sur le plan du service, de la discipline ou du bon ordre, il peut y être mis fin à tout moment. (…)
La durée cumulée du sursis d'évacuation ne peut en principe dépasser six mois. (…) Toutefois, cette durée peut être portée à dix mois en faveur : du militaire placé en congé de longue durée pour maladie ou congé de longue maladie ; (…)
Le sursis débute selon le cas à la date de la perte de la CLNAS ou à l'expiration du délai matériel d'évacuation. (…)
Le commandant d'une formation administrative rend sa décision dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande (…)".
Il résulte de la combinaison de ces articles qu’un militaire de la gendarmerie nationale est, en principe, tenu de libérer son logement de fonctions dans un délai d’un mois à compter de la notification de son placement en congé longue maladie (CLM) ou en congé longue durée pour maladie (CLDM), n’étant plus considéré comme « occup[a]nt effectivement l’emploi qui le justifie » et comme étant en position d’activité.
Cependant, en cas d’impossibilité de relogement, il peut formuler une demande de sursis à évacuation auprès de son commandant de formation administrative qui devra statuer dans un délai de 10 jours.
Le sursis à évacuation pourra être accordé pour une durée de 10 mois maximum, à compter du délai matériel d’évacuation.
Autrement dit, dans le meilleur des cas, un militaire de la gendarmerie nationale placé en CLDM ou CLM devra quitter son logement de fonctions au plus tard 11 mois à compter de la notification de son placement en position de non-activité.
Dans l’hypothèse où le sursis à évacuation demandé par un gendarme serait refusé ou, seulement partiellement accordé, celui-ci pourrait former un recours contre cette décision auprès de la commission des recours des militaires (CRM) puis, le cas échéant, le tribunal administratif.
Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, assiste et représente les militaires de la gendarmerie nationale dans leurs recours contre les décisions de refus de sursis à évacuation de leurs logements de fonctions.
2.- Recours des gendarmes contre les refus de sursis à évacuation de leur logement de fonctions
. D’abord, comme pour tout acte, ou presque, relatif à la situation personnelle d’un militaire, la décision prise par le commandant de la formation administrative du gendarme concerné sur sa demande de sursis à évacuation, ne peut être contesté que par un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM) avant toute éventuelle saisine du juge administratif (article R. 4125-1 du code de la défense) :
« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux.
Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense.
Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux (…) ».
Ce recours, devra être formé par le gendarme concerné dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision prise sur sa demande de sursis à évacuation de son logement de fonctions (article R. 4125-2 du code de la défense) :
« A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. Ce délai est interrompu dans le cas où les parties engagent une médiation dans les conditions prévues aux articles L. 213-5 et L. 213-6 du code de justice administrative. (…) »
. Cependant, l’instruction du recours par la commission des recours des militaires (CRM) peut être longue puisque le recours est considéré comme implicitement rejeté à l’expiration d’un délai de 4 mois à compter de son enregistrement (article D. 4125-20 du code de la défense).
Autrement dit, en l’absence de décision prise par le ministre de l’Intérieur sur le recours dans un délai de 4 mois, le recours aura fait naître une décision implicite de rejet.
. C’est pourquoi, en parallèle du recours CRM, il peut être opportun pour les gendarmes, d’envisager de saisir le juge des référés du tribunal administratif en vue de la suspension, en urgence, de la décision de refus de sursis à évacuation (article L. 521-1 du code de justice administrative).
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ».
Dans ce cas, le gendarme concerné sera dispensé d’attendre la décision du ministre de l’Intérieur prise sur son recours CRM, et d’introduire une requête en annulation.
C’est ce qu’avait rappelé le gouvernement dès 2006 :
« Le recours préalable obligatoire n'interdit pas au militaire de demander au juge des référés la suspension d'un acte individuel le concernant sans attendre que le ministre ait statué sur le recours préalable » (Réponse ministérielle n°104480 du 21/11/2006, publiée au JO, page 12145).
Cette solution a été confirmée par le Conseil d’Etat à plusieurs reprises jugeant que l’introduction d’un recours devant la commission des recours des militaires (CRM) suffit pour saisir le tribunal administratif d’une requête en référé-suspension.
La saisine du tribunal administratif en référé est donc possible quand bien même le ministre n'aurait pas encore rendu sa décision (implicite ou expresse) sur le recours formé par le gendarme concerné auprès de la commission des recours des militaires (CRM) :
- « 3. Considérant que l'objet même du référé organisé par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; qu'une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; que, dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée ; que, saisi d'une telle demande de suspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'administration ait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que, sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, au plus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé ; » (CE, 7 octobre 2015, req. n°392492).
- « 4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a jugé que la demande de M. B...était irrecevable au motif qu'elle n'était pas accompagnée de la copie d'une requête en annulation de la décision dont la suspension de l'exécution était demandée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le requérant avait joint à sa demande de suspension copie de son recours administratif préalable devant la commission de recours des militaires, exigé par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense, tout en indiquant expressément dans sa demande de suspension au tribunal avoir formé un tel recours pour justifier de sa recevabilité, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'ordonnance contestée doit être annulée » (CE, 3 mai 2017, req. n°407796).
Ceci étant, en vue de l’introduction de sa requête en référé, il appartiendra au gendarme concerné de justifier d’une urgence et notamment, de l’impossibilité de trouver un autre logement et/ou du préjudice que lui causerait un tel déménagement dans le délai imparti (TA Rennes, ord., 25 sept. 2023, n° 2304618) :
« 11. Il résulte de l'instruction que la décision en litige, qui refuse à Mme A un sursis d'évacuation de son logement concédé pour nécessité absolue de service jusqu'au 31 octobre 2023, l'oblige à trouver un logement temporaire, avec son époux et ses deux enfants en bas âge, en cours d'année scolaire et alors même qu'elle a justifié de son impossibilité à trouver un tel logement de transition. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, Mme A établit que la décision en litige préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation personnelle et familiale ».
Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, représente les militaires de la gendarmerie nationale qui souhaitent contester une décision de refus de sursis à évacuation de leur logement de fonctions, tant devant la commission des recours des militaires (CRM) qu’auprès du juge administratif en référé.
3.- Les motifs de la suspension de la décision de refus de sursis à évacuation
Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration :
"Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…)
6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;(…)".
Aux termes de son article L. 211-5 du même code :
"La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
Par son ordonnance du 25 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a précisé qu’une décision portant refus partiel d’une demande de sursis à évacuation doit comporter les motifs de faits qui justifient ce refus (TA Rennes, ord., 25 sept. 2023, n° 2304618) :
« 9. Il résulte de l’instruction que la décision en litige, qui fait partiellement droit à la demande de sursis d’évacuation de Mme A tout en refusant de lui accorder le sursis qu’elle sollicitait, jusqu’au 31 octobre 2023, se borne à indiquer que « la demande présentée ne remplit pas l’ensemble des conditions nécessaires à l’octroi d’une décision de sursis d’évacuation de logement conformément au paragraphe 7.2.1 de l’instruction n° 35000/GEND/DSF/SDIL/BBR du 13 décembre 2018 ». Cette motivation ne comporte aucune des considérations factuelles qui en constituent le fondement, ne précisant pas les motifs pour lesquels l’une ou l’autre de ces conditions ne seraient pas satisfaites. Dans ces circonstances, le moyen tiré du défaut de motivation apparaît propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du commandant de région de gendarmerie de Bretagne du 23 mai 2023, en tant qu’elle refuse d’accorder à Mme A un sursis d’évacuation jusqu’au 31 octobre 2023. »
Par cette ordonnance, le tribunal administratif rappelle donc que le commandant de formation administrative statuant sur la demande d’un gendarme sollicitant le sursis à évacuation de son logement de fonctions, doit justifier, à l’appui de sa décision, que ledit gendarme n’a pas été « soudainement placé dans une situation imprévisible et difficile » et/ou « qu’une « solution convenable au problème posé par son relogement (…) a été trouvée. ».
Le cabinet d’avocat de gendarmes, Obsalis Avocat, éclaire les militaires de la gendarmerie nationale sur les recours envisageables et leurs chances de succès, et les représente devant les juridictions administratives de toute la France.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, accident de service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
Pour en savoir plus sur les logements de fonctions des militaires de la gendarmerie nationale, consultez les autres articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :
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