La mutation d’office d’un militaire ne peut être qualifiée de sanction déguisée qu'à certaines conditions
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Une décision de mutation d’office permet à l’autorité militaire d’affecter un militaire, en tout temps, et en tout lieu, pour répondre aux besoins du service.
Toutefois, lorsqu’une telle mesure conduit à la dégradation de la situation personnelle du militaire concerné et que la mesure révèle l’intention de son auteur de sanctionner l’agent, elle doit être qualifiée de sanction déguisée.
Dans ce cas, la décision de mutation d’office peut être contestée devant la commission de recours des militaires puis, le cas échéant, devant le tribunal administratif.
Comme le prévoit l’article L. 4121-5 du code de la défense, par principe, les militaires peuvent faire l’objet de mutation d’office, en tout temps, et en tout lieu, pour répondre aux besoins du service.
Ainsi, la liberté de résidence et de circulation des militaires peut être restreinte dans l’intérêt du service :
« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) " ; La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. Lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte ».
Toutefois, les décisions de mutation d’office des militaires peuvent être qualifiées de sanctions déguisées si elles conduisent à la dégradation de la situation professionnelle du militaire concerné et révèlent l’intention de l’autorité militaire de sanctionner l’agent en cause :
« 3. Considérant qu'une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent ; » (CAA Paris, 2 mars 2018, req. n°16PA03781).
Ainsi, pour contester une mesure de mutation d’office au motif qu’elle revêt le caractère d’une sanction déguisée, les militaires doivent démontrer que la mesure a conduit à une dégradation substantielle de leurs conditions de travail, et que la décision a été prise pour un motif disciplinaire.
En l’espèce, il s’agissait d’un gendarme qui occupait un emploi de « coordinateur gendarmerie » au sein de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat (DSAE) du commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale (CFAGN) qui avait fait l’objet d’une mutation d’office à l'état-major de la gendarmerie de l'armement, pour y occuper un emploi de chef du " bureau organisation emploi renseignement ».
Cette mutation d’office était motivée par le fait que l'intéressé avait fait preuve d'un manque de diplomatie et de discernement lorsqu'il servait au sein de la DSAE et n'avait pas su entretenir des relations de confiance avec le directeur de la structure de préfiguration de cette direction et ses collaborateurs.
Par son arrêt du 2 mars 2018, la cour administrative d’appel de Paris a estimé que la décision avait été prise pour mettre fin à une situation de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service dès lors notamment que le comportement inadapté du gendarme concerné avait conduit à ce qu’il eût définitivement perdu la confiance de son supérieur qui ne souhaitait plus collaborer avec lui.
Ainsi, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Paris est venue préciser que la circonstance qu’une mutation d’office soit prise pour mettre fin à une collaboration conflictuelle n’est pas, à elle seule, de nature à révéler l’intention disciplinaire de la décision dès lors qu’elle est prise en vue de rétablir le bon fonctionnement du service.
Cet arrêt confirme donc notamment qu’une ambiance délétère au sein d’un service ou des relations conflictuelles entre collaborateurs peuvent justifier une mesure de mutation d’office d’un militaire, sans nécessairement lui donner le caractère d’une sanction déguisée.
Le cabinet d'avocat en droit militaire, Obsalis, accompagne les militaires et les gendarmes pour contester les décisions de mutation d'office dans l'intérêt du service (MOIS) qui seraient prononcées à leur encontre.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
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Tribunal administratif