Les pensions civiles et militaires d’invalidité n’empêchent pas les fonctionnaires et les militaires d’être indemnisés de leurs autres préjudices

 

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Les pensions civiles et militaires d’invalidité sont destinées à indemniser forfaitairement les fonctionnaires et militaires victimes d’atteintes à leur intégrité physique par suite d’un accident de service ou d'une maladie professionnelle, de leur incapacité physique et de leur perte de revenus.

Le versement de ces pensions n’empêche pas les fonctionnaires et les militaires blessés ou malades de prétendre à l’indemnisation d’autres préjudices extrapatrimoniaux et notamment, de leurs souffrances physiques ou morales et de leurs préjudices esthétiques, sexuels ou d’agrément.




Les fonctionnaires victimes d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peuvent prétendre à une allocation temporaire d’invalidité ou à une rente viagère d’invalidité
(article 27 et 28 du code des pensions civiles et militaires).

Ce régime spécifique d’indemnisation vise à réparer forfaitairement les pertes de revenus des fonctionnaires blessés ou malades ainsi que l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle (Conseil d’Etat, 16 décembre 2013, req. n°353798) :

« Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d’un accident de service ou atteint d’une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l’atteinte qu’il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions ; »

Malgré ce régime spécifique d’indemnisation, les fonctionnaires peuvent toujours engager une action en responsabilité contre l’administration, en vue d’obtenir une indemnité supplémentaire au titre de la réparation de leurs préjudices distincts de l’atteinte à l’intégrité physique, tels que notamment, les souffrances physiques ou morales et les préjudices esthétiques ou d’agrément (Conseil d’Etat, 16 décembre 2013, req. n°353798) :

« (…) qu’elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, obtienne de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien incombait à celle-ci ».

De leur côté, les militaires ont droit au versement d’une pension militaire d’invalidité destinée à l’indemnisation de leur déficit fonctionnel permanent.

Par un arrêt du 1er juillet 2005, le Conseil d’Etat a étendu aux militaires, la possibilité, jusqu’ici réservée aux fonctionnaires civils, d’obtenir réparation de leurs préjudices extrapatrimoniaux distincts de l’atteinte à leur intégrité physique (Conseil d’Etat, 1er juillet 2005, req. n°258208) :

« Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique ; qu'alors même que le régime d'indemnisation des militaires serait plus favorable que celui consenti aux agents civils, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits ; que ces dispositions ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait ; ».

Par un arrêt du 13 octobre 2013, le Conseil d’Etat a encore étendu cette possibilité à deux préjudices supplémentaires susceptibles d’être indemnisés, à savoir, le préjudice sexuel et le préjudice d’agrément lié à l’impossibilité de pratiquer une activité physique ou de loisirs (CE, 7 octobre 2013, Hamblin, n°337851) :

« 3. Considérant qu'eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne ; ».

Ainsi, les fonctionnaires civils et les militaires disposent donc d’un même mécanisme d’indemnisation, à savoir, d’une indemnisation spécifique des atteintes à leur intégrité physique via le versement de pensions civiles et militaires d’invalidité, et d’une indemnisation « de droit commun » concernant leurs préjudices extrapatrimoniaux distincts du déficit fonctionnel lui-même.


 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.

 

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