Mutations d’office des militaires et des gendarmes : Vous devez pouvoir consulter votre dossier administratif individuel

 

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Les militaires ont le droit de se voir communiquer leur dossier administratif individuel avant toute décision de sanction ou de mutation d’office dans l’intérêt du service (MOIS) prise à leur encontre.

Ce droit à communication permet aussi aux militaires de consulter leur dossier administratif lorsqu’ils saisissent la commission des recours des militaires (CRM) contre ces mêmes décisions de sanction et de mutation.

En revanche, ce droit à communication est limité aux pièces susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la décision ou dont le défaut de communication serait susceptible de priver le militaire concerné d’une garantie.

Ainsi, le défaut de communication d’un document ancien, déjà consulté de longue date par le militaire concerné, et qui ne constitue pas le fondement de la sanction ou de la mutation, ne peut pas conduire à l’annulation de la décision de sanction ou de mutation.



1.- La consultation du dossier administratif individuel avant toute décision de mutation d’office d’un militaire

Les militaires peuvent être mutés d’office en tout temps et en tout lieu, sous réserve qu’une telle mutation présente un intérêt pour le service (article L. 4121-5 du code de la défense) :

« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...) " ; qu'il appartient à l'autorité militaire d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels »

Toutefois, les fonctionnaires et les militaires ont droit à la communication de leur dossier administratif individuel avant toute décision de sanction ou de mutation d’office (article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905) :

« Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ».

L’article 18 du Statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors) précise que le dossier administratif individuel des fonctionnaires et des militaires doit comporter toutes les pièces intéressant leur situation administrative :

« Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. (…)

Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. (…)».

Ainsi, par principe, les fonctionnaires et les militaires doivent donc obligatoirement être informés de leur droit à prendre connaissance de leur dossier administratif individuel avant l’édiction de toute sanction disciplinaire ou de toute décision de mutation d’office dans l’intérêt du service prise à leur encontre. A défaut, la décision de sanction ou de mutation pourra être annulée :

« 5. La décision contestée prononçant la mutation d’office de Mme A… dans l’intérêt du service au BCPO de Caen ne pouvait légalement intervenir qu’après que l’intéressée ait été informée de son droit à communication de son dossier individuel pour connaître les raisons de la mesure envisagée. » (CAA Nantes, 2 avril 2019, req. n°17NT02080).


2.- Sauf exception, un recours devant la CRM contre une décision de mutation d’office donne droit à la communication du dossier

Le Conseil d’Etat a reconnu la possibilité aux militaires qui exercent un recours devant la commission des recours des militaires (CRM) contre une décision de mutation d’office, de prendre connaissance de leur dossier individuel :

« Considérant que la décision prise par le ministre compétent, après avis de la commission des recours des militaires prévue à l'article R. 4125-1 du code de la défense, sur un recours administratif formé par un militaire à l'encontre d'une décision prise en considération de sa personne revêt elle-même ce caractère et ouvre, dès lors, à l'intéressé la faculté d'exercer le droit garanti par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que le droit à la communication du dossier prévu par cet article comporte pour l'agent intéressé, à moins que sa demande présente un caractère abusif, celui d'en prendre copie et qu'il peut exercer ce droit avant l'examen de son recours par la commission ; » (Conseil d’Etat, 29 octobre 2012, req n°354802).

Ainsi, lorsqu’un militaire exerce un recours contre une décision de mutation d’office devant commission des recours des militaires (CRM) et qu’il sollicite la communication de son dossier administratif individuel, le ministre des Armées doit lui transmettre ledit dossier avant que la CRM ne statue sur ledit recours :

« 5. Considérant, à cet égard, que le tribunal administratif a, d'une part, relevé que, préalablement informée de la mutation d'office dans l'intérêt du service dont elle était susceptible de faire l'objet et de son droit d'obtenir communication de son dossier, Mme B avait pris connaissance, avant l'ordre de mutation initial du 1er avril 2008, du rapport au vu duquel cette décision a été prise ; que, d'autre part, le tribunal administratif de Poitiers a également relevé qu'ayant sollicité, lors de l'introduction de son recours administratif contre cet ordre de mutation, la délivrance d'une copie de ce rapport, Mme B ne l'avait reçue que postérieurement à la réunion de la commission des recours des militaires ; qu'en déduisant de ces faits (…) [que] le ministre de la défense, faute d'avoir permis à Mme B de prendre copie du rapport figurant dans son dossier avant de statuer sur son recours, a pris la décision contestée dans des conditions qui méconnaissent les dispositions de cet article, le tribunal administratif de Poitiers n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit ; » (Conseil d’Etat, 29 octobre 2012, req n°354802).

Cependant, le droit à communication du dossier individuel des militaires présente des limites et notamment, lorsque le défaut de communication du document demandé n’est pas de nature à exercer une influence sur le sens de la décision contestée ou de priver le militaire concerné de garanties (Conseil d’Etat, 23 décembre 2011, req. n°335033) :

« Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. ».

C’est ce qu’a rappelé la cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt du 2 avril 2019 (req. n°17NT02080) en jugeant que le défaut de communication d’un document ancien dont l’intéressé a déjà eu connaissance et qui ne constitue pas le fondement de la décision de mutation attaquée, ne doit pas conduire à l’annulation de la décision de mutation d’office attaquée :

« 5. (…) La requérante soutient en appel que le dossier qu'elle a consulté était incomplet au motif notamment qu'il ne contenait pas la lettre du lieutenant T… du 13 septembre 2008 ainsi que le courriel du procureur de la République d'Avesnes-sur-Helpe du 10 décembre 2008, cités par le ministre de la défense dans son mémoire du 2 février 2017 produit devant le tribunal administratif. S'il n'est pas contesté que ces documents, dont le premier lui avait été adressé en 2008, ne figuraient pas dans son dossier personnel, ces écrits se rapportaient à des faits anciens antérieurs à sa nomination à Deauville. Ils ne constituent pas le fondement de la décision litigieuse, laquelle repose sur des faits plus récents décrits notamment dans les rapports du général Bourges du 3 juin 2014 et du chef d'escadron Flottes du 29 octobre 2014. (…)

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que Mme A… (…) n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 ».

En conclusion, si les militaires ont droit à la communication de leur dossier administratif individuel avant toute décision de mutation d’office et avant tout rejet de leurs éventuels recours devant la CRM, ce droit est limité aux documents « récents », dont ils n’ont jamais eu connaissance, et qui sont susceptibles d’avoir fondés la décision de mutation qu’ils contestent.


 

Par Tiffen MARCEL, avocat en droit militaire au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.



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