Plaisanterie et humour des militaires : Même en dehors du service, attention aux sanctions!
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Les militaires et gendarmes croient parfois que des plaisanteries faites en dehors du service ou sur des groupes de discussions privés tels que Whatsapp ou Telegram ne peuvent pas donner lieu au prononcé de sanctions disciplinaires. Le jurisprudence a pourtant tendance à juger le contraire.
Le cabinet d'avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, accompagne les militaires dans les procédures disciplinaires dont ils font l'objet (conseil d'enquête notamment) et pour former les recours contre les sanctions prononcées à leur encontre :
1.- L’article L. 4121-2 du code de la défense impose aux militaires un devoir de réserve dans l’expression de leurs opinions, même en dehors du service :
« Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres.
Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression. (…) »
Cette obligation déontologique, qui vise notamment à préserver la considération portée à l’armée et à la gendarmerie nationale, s’impose également spécifiquement aux gendarmes :
- Article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " () Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance./ En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation () ".
- Article R. 434-14 du code de la sécurité intérieure : « (…) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération. »
La méconnaissance du devoir de réserve, entraine, pour les militaires et les gendarmes, des risques de sanctions disciplinaires notamment (article R. 434-27 du code de la sécurité intérieure) :
« Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant. »
2.- Par deux jugements du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen était venu apporter des précisions s’agissant des propos racistes, misogynes, antisémites ou discriminatoires tenus par les policiers et les gendarmes sur des groupes de discussion privés, tels que Whatsapp.
Précisément, le tribunal administratif de Rouen avait jugé que des propos déplacés tenus sur whatsapp pouvaient être de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire si les propos en question étaient de nature à perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration :
« (…) La circonstance que les commentaires de M. A., fondement de la sanction en litige, ont été tenus via l'application WhatsApp, fussent-ils protégés par le secret de la vie privée, n'est pas de nature à priver de base légale la sanction prise à son encontre dès lors qu'un comportement dans la vie privée peut être de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsqu'il est incompatible avec la qualité d'agent public, qu'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration. En outre, il ressort des pièces du dossier que la plupart des propos reprochés ont été émis par M. A. pendant le temps du service, à destination notamment de ses collègues et qu'il n'est pas établi que le paramétrage de l'application empêchait toute diffusion à des tiers au groupe de discussion, qui comprenait d'ailleurs des personnes extérieures à la police. Le moyen tiré de ce que les faits reprochés ont été commis en dehors du service doit donc être écarté » (TA Rouen, 26/10/21, req. n° 2004524).
En l’espèce, le tribunal avait qualifié les propos tenus sur l’application Whatsapp par le policier en cause de manquement au devoir d’exemplarité, d’honneur et de dignité :
« (…) M. A. a gravement manqué aux devoirs d'exemplarité, d'honneur et de dignité qui lui incombaient en sa qualité de membre de la police nationale et d'encadrant, a porté atteinte à l'image de son corps, a jeté le discrédit sur l'administration et a perturbé le bon déroulement du service. En retenant le caractère fautif de ces faits et en prononçant à l'encontre de M. A. la sanction disciplinaire, relevant du 4e groupe, de révocation, le ministre de l'Intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni adopté une sanction disproportionnée à la gravité des fautes commises. »
3.- Par son arrêt du 14 avril 2022 (req. n°20LY02481), la Cour administrative d’appel de Lyon est venue préciser que la vulgarité en dehors du service, même sous forme de plaisanterie, peut constituer un manquement disciplinaire notamment si elle porte atteinte à la considération due à la gendarmerie nationale.
Précisément, la Cour a considéré qu’une chanson interprétée par un gendarme en dehors du service devant plusieurs collègues et présentant un caractère désobligeant vis-à-vis d’autres collègues ou gradés portait atteinte à la considération due à la hiérarchie :
« 6. La vulgarité en service, même sous forme de plaisanterie, est contraire à la réserve et à la dignité attendue du gendarme. Par ailleurs, les dispositions précitées n'obligent pas à un comportement exemplaire qu'en service. Une chanson désobligeante pour ses collègues ou des gradés, interprétée devant d'autres collègues, nuit nécessairement à la considération due à la hiérarchie et au corps de la gendarmerie. Ainsi les faits reprochés, constitutifs de manquements au sens de l'article R. 434-27 du code de la sécurité intérieure, étaient de nature à donner lieu à sanction, alors même que l'un des trois griefs n'est pas établi » (CAA Lyon, 14 avril 2022, req. n° 20LY02481).
Des propos tenus par écrits sur les réseaux sociaux, en dehors du service, tout comme les propos tenus oralement, devant collègues, peuvent donc donner lieu au prononcé de sanctions disciplinaire s’ils sont de nature à constituer un manquement à la probité ou à jeter le discrédit sur l’institution.
Il est donc vivement conseillé aux policiers, gendarmes ainsi qu’à tous les militaires, de veiller à mesurer les propos qu’ils tiennent, même sur le ton de la plaisanterie, aussi bien dans le service qu’en dehors, y compris sur les réseaux sociaux.
Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, accompagne les militaires, gendarmes et policiers dans le cadre des procédures disciplinaires engagées à leur encontre et pour contester, le cas échéant, le bien fondé des sanctions prononcées.
Par Tiffen MARCEL, avocat en droit militaire, au barreau de Paris.
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
Pour en savoir plus sur le devoir de réserve et le devoir de probité des militaires, consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème :
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