Passerelle des militaires vers la fonction publique civile : le refus d’agrément doit être justifié par un sous-effectif réel

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Les militaires et gendarmes en activité disposent d’une « passerelle » pour accéder à des emplois dans la fonction publique, qui leur permet d’être détachés, puis titularisés, dans ces emplois sans passer par la procédure de recrutement classique (article L. 4139-2 du code de la défense).


Par principe, le ministre des Armées, ou de l’Intérieur (pour les gendarmes), ne peut refuser l’agrément du militaire ou du gendarme demandeur qu’au regard des besoins du service (sous-effectif par exemple).

 

En cas de refus d’agrément, il appartient donc au ministre concerné de justifier de la réalité d’un éventuel sous-effectif en personnels dans la spécialité concernée.

 

A défaut, son refus d’agrément pourra être contesté devant la commission des recours des militaires (CRM) puis, le cas échéant, devant le tribunal administratif.

 

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, conseille et représente les militaires et les gendarmes dans leurs recours :

 

 

 

L’article L. 4139-2 du code de la défense permet aux militaires et aux gendarmes qui remplissent certaines conditions de grades et d’ancienneté, sous réserve qu'ils n'aient pas fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et à l'exclusion de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils, de demander un détachement dans un emploi de la fonction publique civile.


Les conditions de grade et d’ancienneté requises pour demander l’agrément concerné sont définies à l’article R. 4139-11 du code de la défense :

 

  • 10 ans d’ancienneté en qualité d'officier ou 15 ans d’ancienneté dont 5 ans en qualité d'officier, pour un emploi de la catégorie A
  • 5 ans d’ancienneté, pour un emploi de la catégorie B
  • 4 ans d’ancienneté, pour un emploi de la catégorie C

 
Le ministre des Armées, ou de l’Intérieur (pour les gendarmes), doit apprécier la demande d’agrément au regard des seuls besoins du service et n’a pas évaluer les aptitudes du militaire demandeur à l’exercice des fonctions qu’il convoite.


Le Conseil d’Etat a statué en ce sens en rappelant que le ministre ne peut opposer un refus d’agrément à un militaire ou à un gendarme qui remplit les conditions, que pour des motifs tirés notamment de la gestion du service :

 

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'accès des militaires à des emplois civils est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions de grade et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés notamment des besoins du service et de la gestion des effectifs ; » (Conseil d’Etat, 8 février 2006, req. n°272882).

 

Le Conseil d’Etat a lui-même confirmé sa position par un arrêt du 18 avril 2008, en jugeant que l’appréciation des capacités professionnelles du militaire ou du gendarme concerné à exercer l’emploi qu’il convoite n’a pas à être effectué par le ministre concerné :

 

« Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 3 août 2006 : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, lieutenant-colonel en fonction à la délégation générale de l'armement, a déposé deux dossiers de candidature pour trois emplois de catégorie « haut niveau » dans une administration civile ; qu'il a sollicité à cette fin l'agrément du ministre de la défense sur le fondement des dispositions de l'article 62 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaire, aujourd'hui codifiées à l'article L. 4139-2 du code de la défense ; qu'en vertu de ces dispositions, si le ministre de la défense peut donner des conseils d'orientation aux officiers envisageant une candidature à un recrutement dans la fonction publique, il ne peut refuser son agrément à une telle candidature que pour un motif tiré des besoins des services placés sous son autorité et non pour un motif tiré de l'inaptitude de l'intéressé à exercer l'emploi auquel il postule, l'appréciation des capacités des candidats appartenant à l'autorité administrative d'accueil ; qu'ainsi en se fondant, pour confirmer le refus dagrément de M. A après avis de la commission des recours des militaires, non sur les besoins de ses services mais sur la circonstance que le profil de l'intéressé n'était pas en adéquation avec ceux requis pour occuper les emplois sollicités, le ministre de la défense a entaché sa décision d'une erreur de droit ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée en date du 3 août 2006 du ministre de la défense » (CE, 18 avril 2008, req. n°297847).

 

Par son jugement du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rappelé que l’intérêt du service pour refuser un agrément au titre de l’article L. 4139-2 du code de la défense, peut reposer notamment sur un sous-effectif dans la spécialité concernée et/ou des avis défavorables des chefs du militaire concerné, sous réserve que le sous-effectif soit réel et insusceptible d’être comblé par d’autres personnels

 

« 5. En ce qui concerne la situation de sous-effectifs en officiers de niveau fonctionnel NF5a au sein du COMFORMISC, il ressort toutefois des pièces du dossier que (…) l'administration n'a pas produit d'avis motivé de la part du service des ressources humaines gérant directement les effectifs du COMFORMISC. Par ailleurs, M. A a produit un avis favorable à sa demande d'agrément en date du 12 avril 2019 présenté comme ayant été établi par le colonel sous les ordres desquels il était placé depuis son affectation à l'état-major des formations militaires de la sécurité civile. (…) Il ressort également de ses bulletins de notation d'officier établis en juin 2019 et mai 2020 que ses supérieurs n'étaient pas opposés à son évolution vers un poste dans la fonction publique civile (…).

 

6. En outre si la ministre des Armées démontre dans ses écritures en défense qu'elle a examiné à raison les besoins de ses services en officiers de niveau fonctionnel NF5a dès lors que M. A relevait d'un tel niveau depuis le 1er août 2019, (…) il ressort de cette même note que lesdits officiers étaient en revanche en surnombre dans la filière dite SEC-FPS (sécurité - force de protection et de secours) avec 34 postes réalisés pour 30 postes décrits en organisation. Cette absence de sous-effectif est corroborée par un document élaboré par cette même direction, intitulé " Conclusions GPEEC cycle 2021-2026 " qui précise que cette filière est " sans problématique particulière concernant les officiers ". Enfin, M. A (…) fait également valoir pour établir l'absence de tension particulière en officiers expérimentés au sein du CONFORMISC qu'il a été muté sur un autre poste peu de temps après la décision attaquée, le 1er août 2020. Alors que la ministre n'a ni démontré ni même allégué qu'il n'aurait pas été possible de redéployer à brève échéance les effectifs en officiers de niveau NF5a de la filière SEC-FPS vers le CONFORMISC ou qu'il n'y avait pas de possibles sureffectifs au sein du CONFORMISC parmi les officiers d'autres niveaux fonctionnels permettant de pallier le sous-effectif constaté en officiers NF5a sans préjudice pour le service, il ne ressort ainsi pas manifestement des pièces du dossiers qu'il aurait existé le 7 janvier 2020 un intérêt du service tenant à une situation de sous-effectif justifiant le refus d'accorder à M. A l'agrément qu'il sollicitait » (TA Paris, 8 juill. 2022, req. n°2005238).

 

En l’espèce, le tribunal a donc estimé que le sous-effectif allégué par le ministre pour refuser l’agrément en cause n’était pas démontré, du fait notamment d’un possible redéploiement des personnels en surnombre par ailleurs.

 

Par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a procédé à une analyse précise des motifs invoqués par le ministre des Armées pour refuser l’agrément sollicité et a vérifié que l’intérêt du service était réel et non simplement théorique.

 

. S’agissant des militaires déjà retraités, le tribunal administratif de Lille a également rappelé récemment que, compte tenu de l’absence d’intérêt pour le service à refuser l’agrément sollicité, seule une radiation des cadres pour motif disciplinaire ou une titularisation dans la fonction publique pourraient justifier un refus d’agrément :

  

« 6. Il est constant que M. A remplit les conditions prévues par les dispositions précitées du code de la défense pour se porter candidat à un recrutement au titre de l'article L. 4139-2 de ce code, ce qui est reconnu expressément dans la décision contestée. Cependant, la ministre des armées a refusé de lui accorder l'agrément sollicité au motif que " M. A a volontairement quitté l'institution () ; qu'il a, en effet, rompu son contrat d'engagement pour pouvoir être recruté en qualité d'agent contractuel () ; que, compte tenu de ces circonstances, la direction des ressources humaines de l'armée de terre était fondé à ne pas retenir sa candidature pour favoriser des anciens militaires plus méritants ". Or ces motifs sont étrangers à ce que la ministre pouvait retenir en application des dispositions précitées. Dès lors, en refusant à M. A l'agrément de sa candidature, la ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur de droit » (TA Lille, 22 novembre 2022, req. n°2008276).

 

Là encore, le tribunal administratif de Lille a donc voulu rappeler qu'à l'exception de ces deux circonstances particulières, les demandes des militaires retraités en vue d'un départ dans la fonction publique civile doivent être nécessairement acceptées dès lors qu'il n'existe plus d'intérêt pour le service à refuser leur départ.

 

Notre cabinet d’avocat en droit des militaires, Obsalis Avocat, conseille et représente les militaires et les gendarmes dans leurs recours contre les refus d’agrément en vue de leurs candidatures dans la fonction publique, qu’il s’agisse de les introduire auprès de la commission des recours des militaires (CRM) ou devant le tribunal administratif.

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, refus d’agrément, etc.

 

 

Pour en savoir plus sur le recrutement des militaires dans la fonction publique (L. 4139-2 du code de la défense), consultez les articles du cabinet Obsalis Avocat sur le même thème : 

 

 

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