Enquête de sécurité et radiation des militaires : quels recours possibles ?

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Les enquêtes de sécurité permettent aux autorités administratives de consulter notamment le bulletin n°2 du casier judiciaire (B2) des militaire et le TAJ afin de vérifier si leurs antécédents judiciaires et/ou leur comportement est compatible avec l’exercice des fonctions qu’ils seront amenés à exercer.

 

Lorsqu’une enquête de sécurité laisse apparaître que le comportement d’un militaire ou d’un candidat à l’engagement serait incompatible avec l’exercice de ses fonctions, il peut être radié des cadres ou faire l’objet d’une résiliation de contrat après mise en œuvre d’une procédure contradictoire.

 

La décision de radiation pourra être contestée par le militaire concerné devant le tribunal administratif dans un délai de 15 jours.

 

Le juge administratif devra alors statuer sur la requête dans un délai de deux mois et la décision de radiation ne pourra prendre effet avant l’issue définitive du contentieux.

 

Lumière sur les modalités de mise en œuvre de cette procédure dérogatoires visant les militaires :

 

 

1.- Une enquête de sécurité réalisée sur un militaire, qu’est-ce que c’est ?

 

L’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dispose notamment ce qui suit :

 

« I. – Les décisions administratives de recrutement d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (…) les emplois publics (…) relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, (…) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.

 

Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation sont précisées par décret. (…) ».

 

L’article R. 114-2 du même code précise que :

 

« Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article R. 114-1 les décisions suivantes relatives aux emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat ainsi qu'aux emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense : (…)

3° Recrutement ou nomination et affectation : (…)

j) Des militaires ; (…) »

 

Aux termes de l’article L. 5139-15-1 du code de la défense :

 

« Lorsque le résultat d'une enquête administrative réalisée en application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure fait apparaître que le comportement d'un militaire est devenu incompatible avec l'exercice de ses fonctions eu égard à la menace grave qu'il fait peser sur la sécurité publique, il est procédé, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire, à sa radiation des cadres ou à la résiliation de son contrat. (…) ».

 

Une enquête de sécurité est donc un outil qui permet aux autorités administratives d’effectuer des recherches notamment sur les antécédents judiciaires et le profil des militaires qu’elles envisagent de recruter.

 

Ces enquêtes de sécurité permettent notamment aux autorités militaires de consulter le bulletin n°2 du casier judiciaire (B2) des militaires concernés et le traitement des antécédentes judiciaires (TAJ).

 

Si le bulletin n°2 du casier judiciaire ou le TAJ laisse apparaître des faits qui pourraient être incompatibles avec l’exercice de fonctions de militaires, le militaire concerné pourrait se voir radier des cadres ou des contrôles, ou refuser un recrutement.

 

Cependant, il arrive fréquemment qu’une condamnation pénale prononcée contre un militaire fasse l’objet d’une non-inscription au B2 ou soit accompagnée d’une mention de non-consultation du TAJ à des fins administratives, précisément pour ne pas faire obstacle à la poursuite de sa carrière.

 

Ainsi, lorsqu’un militaire est informé que le résultat d’une enquête de sécurité le concernant est défavorable, il lui est vivement conseillé de saisir un cabinet d’avocat de militaires et de vérifier si ses éventuelles condamnations passées ont été inscrites à son casier judiciaire et si elles ont fait l’objet d’un effacement du TAJ, ou d’une mention de non-consultation du TAJ à des fins administratives.

 

Le cabinet d’avocat en droit militaire, Obsalis Avocat, éclaire les militaires sur leurs droits en matière de radiation et d’enquête de sécurité et les représente dans les recours.

 

 

2.- Radiation d’un militaire sur le fondement d’une enquête de sécurité, quelles modalités ?

 

Aux termes de l’article L. 4139-15-1 du code de la défense :

 

« Lorsque le résultat d'une enquête administrative réalisée en application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure fait apparaître que le comportement d'un militaire est devenu incompatible avec l'exercice de ses fonctions eu égard à la menace grave qu'il fait peser sur la sécurité publique, il est procédé, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire, à sa radiation des cadres ou à la résiliation de son contrat.

 

Ces mesures interviennent après avis d'un conseil dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat (…) ».

 

L’article R. 4139-62 du code de la défense précise ce qui suit :

 

« Le conseil prévu à l'article L. 4139-15-1 est saisi par le ministre de la défense, par le ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, ou par le ministre chargé de la mer pour les corps de militaires placés sous son autorité ».

 

L’article R. 4139-67 du même code prévoit également que :

 

« Le militaire en cause est invité à présenter des observations écrites dans le délai d'un mois à compter de la réception des pièces constitutives du dossier de l'affaire qui lui sont communiquées par le secrétariat du conseil par tout moyen permettant d'en établir la date de réception.


Les pièces transmises à l'intéressé, qui ne peuvent contenir des actes ou des documents faisant l'objet d'une mesure de classification au titre du secret de la défense nationale, comportent un rapport établi au vu du résultat de l'enquête mentionnée à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure et qui expose les motifs pour lesquels le comportement du militaire paraît incompatible avec l'exercice de ses fonctions ».

 

Ainsi, lorsqu’une enquête de sécurité fait apparaître que les antécédents judiciaires ou le comportement d’un militaire pourrait être incompatible avec l’exercice de ses fonctions, un conseil doit être saisi sans délai pour statuer sur les faits en cause.

 

Le conseil concerné doit rédiger un rapport sur les faits litigieux, rapport qui doit être remis au militaire concerné avec toutes les pièces qui en constituent le support nécessaire.

 

Ce dossier remis au militaire concerné doit lui permettre de connaître précisément les faits qui ont été consultés dans le cadre de l’enquête de sécurité et qui lui sont reprochés.

 

A réception de ce rapport et de toutes les pièces y afférentes, le militaire concerné doit être invité à présenter des observations écrites dans un délai d’un mois.

 

C’est n’est qu’à l’issue de ce délai que l’autorité administrative pourra prendre une éventuelle décision de radiation des cadres ou de résiliation de contrat contre le militaire en cause.

 

Le cabinet d’avocat de militaires, Obsalis Avocat, assiste les militaires dans le cadre des enquêtes de sécurité et les représente dans leurs recours contre les éventuelles décisions de radiation prise à leur issue.

 

 

3.- Radiation d’un militaire à la suite d’une enquête de sécurité : Recours et modalités d’exécution

 

En principe, les militaires ne peuvent saisir le tribunal administratif d’une décision relative à leur situation personnelle qu’après avoir formé un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM).

 

Cependant, ce recours n’est pas requis des militaires qui souhaitent contester une décision de radiation prise sur le fondement d’une enquête de sécurité (article R. 4125-1 du code de la défense ) :

 

« I. – Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (…)

III. – Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions :

1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 ; (…) »

 

Au contraire, alors qu’en principe les décisions administratives se contestent dans un délai de 2 mois (article R.421-1 du code de justice administrative), les décisions prises sur le fondement d’enquêtes de sécurité se contestent directement devant le tribunal administratif dans un délai dérogatoire de 15 jours (article L. 4139-15-1 du code de la défense ) :

 

« (…) Les décisions prises en application du présent article, auxquelles l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable, peuvent être contestées devant le juge administratif dans un délai de quinze jours à compter de leur notification et faire l'objet d'un appel et d'un pourvoi en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. (…) »

 

Dans une telle hypothèse, le juge administratif doit statuer au fond sur la légalité de la décision dans un délai de deux mois.

 

S’agissant des modalités d’exécution de la décision de radiation, celle-ci ne peut prendre effet tant que le juge n’a pas statué en dernier ressort sur la légalité de la décision.

 

Autrement dit, à titre dérogatoire là encore, les recours contentieux introduits contre les décisions prises sur le fondement d’enquêtes de sécurité sont suspensifs de l’exécution desdites décisions.

 

Tout au plus, à titre conservatoire, l’administration peut décider d’écarter temporairement du service le militaire concerné par l’enquête de sécurité durant toute la durée du contentieux, avec maintien de sa solde (alinéas 3 et 4 de l’article L. 4139-15-1 du code de la défense ) :

 

 « (…) En cas de recours, la décision contestée ne peut prendre effet tant qu'il n'a pas été statué en dernier ressort sur ce litige.

 

A titre conservatoire, et pendant la durée strictement nécessaire à la mise en œuvre des suites données au résultat de l'enquête, le militaire est écarté sans délai du service, avec maintien de sa solde, de l'indemnité de résidence et du supplément familial de solde. (…) ».

 

Les décisions de radiation des militaires prises sur le fondement d’enquête de sécurité sont donc dérogatoires à plusieurs titres :

 

  • Elles doivent être contestées dans un délai de 15 jours (au lieu de 2 mois, en principe)
  • Elles n’ont pas à faire l’objet d’un recours préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires (CRM)
  • Leurs effets sont suspendus par tout recours contentieux formés contre elles tant que le juge n’a pas statué au fond en dernier ressort

 

Obsalis Avocat, cabinet d’avocat en droit militaire, conseille et assiste les militaires dans le cadre des enquêtes de sécurité réalisées à leur encontre, et les représente dans leurs recours auprès du tribunal administratif contre les décisions de radiation ou de résiliation de contrat prise sur le fondement d ces enquêtes de sécurité.

 

 

 

Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire, au barreau de Paris
 

Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, refus d’agrément, etc.

 

 

 

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Tribunal administratif