Recours des militaires devant la CRM : une décisions implicite de rejet ne se substitue pas à la décision initiale
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Sauf exception, tout recours introduit par un militaire contre une décision relative à sa situation personnelle doit obligatoirement être précédé d’un recours préalable devant la commission des recours des militaires (CRM).
Par principe, la décision prise par le ministre des Armées sur ce recours administratif se substitue entièrement à la décision initiale contestée.
Toutefois, lorsque la décision prise par le ministre des Armées sur le recours gracieux formé par un militaire devant la CRM est une décision implicite de rejet dudit recours, alors cette décision implicite maintient la décision initiale dans l’ordonnancement jurique.
1.- Par principe, les recours contentieux intentés par des militaires contre des actes relatifs à leur situation personnelle doivent obligatoirement être précédés d’un recours devant la commission des recours des militaires (CRM) (article R. 4125-1 I du code de la défense).
L’article R. 4125-10 du code de la défense précise que « La décision prise sur [ce] recours (…) se substitue à la décision initiale ».
De longue date, le Conseil d’Etat juge que la décision prise à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire se substitue à la décision initiale et est seule susceptible d'être déférée au juge administratif :
« Considérant que la décision ministérielle du 17 juin 2004, arrêtant définitivement, après avis de la commission, la position de l'administration, s'est entièrement substituée à la décision initiale quels que soient à cet égard les termes de l'article 8 du décret du 7 mai 2001 ; qu'ainsi, les conclusions de M. X tendant à l'annulation de cette dernière décision sont irrecevables et doivent être rejetées » (Conseil d’Etat, 18 novembre 2005, req. n°270075).
Il en résulte que les moyens dirigés contre la décision initiale sont inopérants contre la décision du ministre prise à la suite du recours administratif préalable obligatoire, sauf si le ministre s’est approprié les motifs de la première décision (Conseil d’Etat, 15 juin 2005, req. n° 261170).
2.- En outre, rappelons qu’en l’absence de décision expresse du ministre compétent sur le recours administratif préalable obligatoire du militaire dans un délai de 4 mois à compter de sa réception fait naître une décision implicite de rejet du ministre (article R. 4125-10 alinéa 2 du code de la défense).
Ainsi, il devrait résulter du principe énoncé ci-dessus que lorsqu’une décision implicite de rejet du recours préalable obligatoire est intervenue, les moyens dirigés contre la décision initiale sont également inopérants.
Toutefois, par son arrêt du 17 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a précisé que le principe selon lequel la décision de rejet des recours administratifs préalables obligatoires se substitue à la décision initiale, ne vaut que pour les décisions expresses de rejet.
Ainsi, lorsqu’une décision implicite de rejet d’un recours administratif intervient à l’issue du délai de 4 mois, les militaires sont toujours fondés à demander l’annulation de la décision initiale, qui demeure dans l’ordonnancement juridique :
« 6. L'institution, par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Le principe énoncé selon lequel la décision qui est prise à la suite de ce recours se substitue nécessairement à la décision initiale ne vaut qu'en cas de décision expresse qui a fait l'objet par la commission des recours des militaires d'une notification à son destinataire dans les conditions que fixe l'article R. 4125-10 du même code. L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois signifie que le recours formé devant la commission est implicitement rejeté par une décision qui maintient dans l'ordonnancement juridique la décision initiale contestée devant la commission » (CAA Nantes, 17 juillet 2020, req. n°18NT03435).
En tout cas, si le ministre prend une décision expresse de rejet du recours après l’intervention de la décision implicite de rejet, cette décision expresse se substitue à la décision implicite initiale de rejet du recours administratif :
« 5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que seule la notification de la décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire de Mme B., laquelle est intervenue le 24 juillet 2017, a pu faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre du rejet de son recours, cette décision expresse s'étant substituée à la décision implicite initiale de rejet (…) » (Conseil d’Etat, 23 mai 2019, req. n°423273).
En conclusion, lorsqu’à la suite d’une saisine de la CRM, les militaires introduisent un recours contentieux, ils doivent veiller à développer les moyens appropriés qui, selon la situation, devront être dirigés contre la décision initiale ou contre la décision expresse de rejet de leur recours administratif.
Le cabinet d'avocat en droit militaire, Obsalis, assiste et conseille les militaires et les gendarmes dans le cadre de leurs recours devant la commission des recours des militaires et devant les tribunaux administratifs.
Par Tiffen MARCEL, avocate en droit militaire au barreau de Paris
Maître Tiffen MARCEL, avocate de militaires et de gendarmes, a fondé le cabinet Obsalis Avocat pour répondre aux problématiques rencontrées spécifiquement pas les militaires et les gendarmes de toute la France. Disposant d’une expertise reconnue dans la défense des militaires et des personnels de la gendarmerie nationale, Maître Tiffen MARCEL leur dédie son expérience dans tous les domaines du droit militaire : sanction disciplinaire, CLDM et imputabilité au service, indus de solde, jurisprudence Brugnot, procédure pénale, démission, résiliation de contrat, réclamations indemnitaires, etc.
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